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30 janvier 2011 7 30 /01 /janvier /2011 10:59

            Pour inaugurer ma participation au challenge « Regarde ce que tu lis » proposé par nodreytiti sur Livraddict, un cas particulier d’adaptation de livre en film puisque Eric-Emmanuel Schmitt a lui-même écrit et réalisé l’adaptation de son roman au cinéma : Oscar et la dame rose.

 

Le roman…

 

 

oscarcouv.jpg

 

              Oscar et la dame rose est un livre que j’ai beaucoup aimé. Il raconte les derniers jours de la vie d’un enfant leucémique…sujet difficile que Schmitt parvient à traiter avec beaucoup de grâce et de légèreté.

              A l’hôpital, Oscar rencontre une « dame rose » qui travaille pour une association d’accompagnement des enfants hospitalisés : c’est une vieille dame qui semble plutôt brutale, a un langage de charretier, dont Oscar apprécie la franchise…puisqu’il souffre de voir ses médecins et surtout ses parents le traiter avec distance et maladresse depuis qu’ils savent que sa mort est proche. Mamie Rose – c’est le surnom qu’il va lui donner – est la seule à sembler capable de parler franchement de la vérité avec Oscar, et il va donc demander à la voir tous les jours… Elle obtient l’autorisation de le visiter chaque jour pendant douze jours – Oscar comprend bien vite la tragique signification de ces « douze jours » d’autorisation – et lui propose un jeu : chaque jour comptera dix ans pour lui. Elle lui propose également d’écrire chaque jour une lettre à Dieu : ce sont ces lettres qui constituent le roman. On lit donc chaque jour les réflexions et progrès d’Oscar dans sa vie, dans une sorte de croissance et de maturation accélérée, et à chaque âge correspondent certains questionnements.

               Les personnages d’Oscar et de Mamie Rose sont magnifiques. Oscar va petit à petit s’apaiser – normal, il gagne dix ans de sagesse par jour !- , pendant que Mamie Rose va inventer mille ruses pour distraire Oscar tout en lui permettant de réfléchir sereinement sur sa situation. Par exemple, elle s’invente un passé de catcheuse et raconte à Oscar ses combats avec les redoutables Plum Pudding et  Téton Royal ! Cela donne des moments à la fois drôles – un faux combat de catch avec un vocabulaire de poissonnière, ça ne se manque pas ! – et bouleversants, car on voit Oscar avancer dans sa vie – il vit les affres sentimentales de l’adolescence, puis épouse Peggy Blue, une de ses voisines de chambre, puis rencontre le démon de midi et est bien content ensuite d’avoir passé la cinquantaine…  - en proposant une réflexion lumineuse sur la maturité.

            Ce tout petit livre – comptez une heure de lecture – est donc un petit bijou, drôle, bien écrit, profond et bouleversant…

 

Le film…

 

 

affiche-oscar.jpg


              

                Eric-Emmanuel Schmitt a choisi d’adapter lui-même son roman, et je pense que cela a permis de conserver intacte une bonne part de la poésie du livre, au prix de quelques transformations bien trouvées…

                L’action, qui dans le roman se passe de nos jours, est transposée dans une époque plus indéterminée, plus ancienne,  sans doute pour atténuer le côté trop cru qu’aurait donné dans le film la vision d’un hôpital contemporain. Une géniale infirmière-sorcière apparaît, jouée par Amira Casar. Cela crée un effet proche de ceux des contes – on ne sait ni quand ni où les choses se passent, mais tout nous est familier –, et c’est une bonne idée.

Schmitt a également trouvé une jolie astuce pour montrer les combats de catch de Mamie-Rose : ils se passent dans une petite boule à neige, dans la chambre d’Oscar, avec les commentaires de Mamie-Rose : là aussi, c’est très onirique et très réussi…


 

oscarbouleneige


               

La transformation que j’ai trouvée la moins intéressante est peut-être celle de Mamie Rose en livreuse de pizzas… c’est peut-être lié au fait que c’est Michèle Laroque, plus jeune que Mamie Rose (et que Danielle Darrieux qui l’avait incarnée au théâtre), qui l’incarne, et que, du coup, on s’attend à ce qu’elle ait une activité professionnelle…mais je n’ai pas vraiment saisi l’intérêt de cette modification.

               Mais c’est dans l’ensemble une adaptation très astucieuse, Schmitt a réussi à conserver la poésie de son livre en ajoutant des éléments merveilleux et oniriques dans son film…On sent qu’il a voulu avant tout préserver l’émotion que suscite son roman, en l’adaptant au langage cinématographique, et j’ai trouvé cela plutôt réussi, même si le film n’est pas aussi incroyablement bouleversant que le livre.

 

 

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29 janvier 2011 6 29 /01 /janvier /2011 13:32

      lathéoriedescordes

 

 

 

 

        Isolée sur un atoll de l'océan Indien, la fine fleur de la physique mondiale est en quête du Graal. Elle œuvre à un ambitieux projet fondé sur la théorie des cordes, qui permettrait d'ouvrir le temps. S'ils parviennent avec ravissement à contempler le passé de l'humanité - la crucifixion du Christ ou la terre à l'ère jurassique -, les scientifiques perçoivent rapidement que ce programme, financé par de mystérieux fonds privés, pourrait connaître des applications moins angéliques. Un drame conduit à la suspension immédiate des recherches, dispersant aux quatre vents les apprentis sorciers.
        Dix ans plus tard, clans une université de Madrid, Elisa Rohledo déplie un journal pour étayer une thèse de physique théorique. Une fraction de seconde lui suffit à comprendre qu'elle est en danger de mort.
        Aux côtés d'un confrère, depuis toujours intrigué par la modestie des aspirations professionnelles de la séduisante physicienne au regard de son cursus académique, Elisa et ses anciens acolytes retournent aux origines de la tragédie, sur cet îlot où ils avaient profané le temps.
        Intensité, profondeur, puissance narrative : José Carlos Somoza porte les énigmes de la physique au cœur d'un roman dont l'efficacité fait frémir.

 

         Je deviens décidément Somozaphile : après la génialissime Caverne des Idées, la Théorie des Cordes m'a également ébahie. Somoza s'y attaque, bien loin de la Grèce antique et du platonisme, à l'un des concepts les plus troublants de la physique théorique moderne : celle des cordes temporelles.

 

     Nul besoin, et heureusement pour moi, d'être un expert en physique quantique pour aborder ce livre encore une fois magistral et déroutant : le principe de la théorie des cordes nous est clairement présenté, même si c'est au prix de quelques vertiges cérébraux. Le roman tourne en effet autour d'un groupe de scientifiques qui est parvenu à ouvrir des cordes temporelles pour obtenir une vision du passé : la matière serait en effet constituée, au niveau quantique, de "cordes" contenant la mémoire de leurs états antérieurs, et que l'on pourrait "ouvrir" grâce à un accélérateur de particules pour visualiser ces états. Un voyage dans le temps strictement visuel, en quelque sorte. C'est sur cette idée qu'est construit le roman : Somoza va la développer jusqu'à ses conséquences ultimes, en mettant en scène des scientifiques qui vont jouer à ce jeu passionnant et, on s'en doute, dangereux.

 

      La structure du roman est diablement efficace. On s'attend bien sûr, avec un tel sujet, à des jeux sur la temporalité : deux époques servent de référence au livre, 2005  - époque des expérimentations sur l'île et des "ouvertures de cordes" - et 2015 - époque où les tragiques conséquences de l'expérience se multiplient et où ses participants retournent sur l'île pour essayer de résoudre le problème... et, de fait, le dialogue entre ces deux époques est très habilement mené, à la faveur notamment d'un très long flash-back en 2005 qui constitue un génial roman dans le roman - on en vient presque à oublier 2015. Le fait que l'on se situe, nous lecteurs, pile entre ces deux époques de référence est d'ailleurs assez troublant...

 

        Difficile ensuite d'en dévoiler plus sans gâcher les surprises de la lecture, mais ce livre est à nouveau un plaisir, avec des personnages complexes et attachants, un questionnement philosophique passionnant sur les développements de la science, un suspense (et des moments sanguinolents) digne des meilleurs thrillers, et des passages qui retournent délicieusement le cerveau...

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27 janvier 2011 4 27 /01 /janvier /2011 15:34

lejeudicestcitation

 

 

        ...Ce jeudi, un passage qui m'a interpellée dans La Théorie des cordes de Somoza (auteur que j'aime décidément de plus en plus !!), ma lecture en cours...Ces phrases sont prononcées par un professeur de physique théorique pour introduire son cours :

 

 

"Ce cours n'aura rien de joli. On ne parlera pas de choses merveilleuses, ni très extraordinaires. On ne fournira pas de réponses. Celui qui en cherche, qu'il aille à l'église ou au collège. Ce que nous allons voir ici, c'est la réalité, et la réalité ne propose pas de réponses et n'est pas merveilleuse".

 

 

 

 


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21 janvier 2011 5 21 /01 /janvier /2011 18:07

Allez, encore un texte extrait des Contes glacés...

 


 

Le rien

 

La scène ne représente rien. L'action ne se passe nulle part. D'ailleurs, il n'y a pas d'action. Il n'y a pas non plus de personnages. Bien entendu, ils ne disent rien.

Le rideau ne se lève pas encore, car il est chez le teinturier.

Il est difficile de dire si la salle est vide ou pleine : elle n'a pas encore été construite. Pour l'instant, il n'est pas question de la construire. Le sera-t-elle un jour ? Qui sait ?

Quant à l'auteur qui, ce matin, avait décidé d'écrire la pièce, il vient de mourir cet après-midi.

 

 

 

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20 janvier 2011 4 20 /01 /janvier /2011 17:26

 

 

le-passage-sachar.jpg

 

 

Méfiez-vous. Ce livre va vous donner envie de croquer des oignons crus. De creuser des trous de 1 mètre 50 de diamètre et de profondeur. D'escalader une montagne. De respirer vos vieilles baskets. De mettre du rouge à lèvres avant de partir à la poursuite de vos ennemis. De tout savoir sur l'existence oubliée de votre arrière-arrière-arrière-grand-mère. Et ce, même si vous haïssez les liliacées, même si vous détestez l'alpinisme et les travaux forcés, même si vous avez les cosmétiques en horreur autant que les odeurs de pieds, et même si la généalogie et les histoires de famille vous indifférent profondément. Maintenant, pour échapper à tout cela, c'est simple. Il vous suffit de ne pas imiter les centaines de milliers d'adolescents américains qui ont déjà plébiscité ce livre, et de ne jamais l'ouvrir.

 

Voici un drôle de roman jeunesse ! Drôle dans tous les sens du terme, d’ailleurs…

 

Le Passage raconte l’histoire de Stanley Yelnats, un adolescent incroyablement poissard, que l’on envoie au camp de redressement du Lac Vert pour avoir volé les baskets – malodorantes, en plus !  – d’une star du base-ball, crime dont il est d’ailleurs innocent. Le Camp du Lac Vert est en réalité un gigantesque désert, et les travaux forcés auxquels Stanley va devoir se plier consistent à creuser des trous d’1m50 de diamètre sur 1m50 de profondeur. Cela tombe bien, c’est exactement la longueur de la pelle fournie aux garçons. Un trou par jour, telle est la règle, et nul ne quitte le chantier avant d’avoir fini… Cet étrange travail est ordonné par le mystérieux « directeur » du camp, dont on ne voit généralement que les sous-fifres, parmi lesquels le terrifiant Mr Monsieur, mais tous les garçons s’y plient docilement sous peine de sévères sentences, sans savoir à quoi ces trous pourront bien servir. Aucune évasion ne semble d’ailleurs possible : le désert est infesté de lézards jaunes, dont la morsure est mortelle, et, de toute façon, il n’y a pas d’eau à des kilomètres à la ronde…

En parallèle nous est racontée l’histoire de l’arrière-arrière-grand-père de Stanley, qui a condamné toute sa descendance à la malchance en omettant de tenir une promesse fait à une vieille gitane, et de sa rencontre avec une certaine Katherine Barlow, ancienne institutrice dont l’amour de jeunesse, un jeune homme noir, avait été lynché par les habitants de son village, et qui décida alors de devenir une sorte de Calamity Jane, tuant les hommes par ses baisers…  

Bien sûr, les deux intrigues vont se rejoindre, d’une manière à la fois logique et inattendue, une fois que Stanley aura décidé de s’évader du camp en compagnie d’un autre garçon, surnommé Zéro…

 

                Le premier attrait de ce roman jeunesse réside dans son côté déjanté : le livre fourmille d’idées toutes plus loufoques les unes que les autres – les baskets puantes comme objet du délit de Stanley, les surnoms des camarades de Stanley au camp, les terrifiants lézards jaunes, le régime à base d’oignons crus (point important du livre…je n’en dis pas plus !)…

                D’autre part, c’est un livre habilement construit, avec plusieurs niveaux de narration très bien articulés entre eux et des allers-retours constants et naturels entre le passé (l’arrière-grand-père de Stanley et Katherine Barlow) et le présent (ce qui se passe au camp du Lac Vert). Cela rend le récit plus dynamique et intrigant, et c’est très réussi.

                Mais c’est aussi et surtout un roman initiatique très original : il délivre des messages profonds, sur l’amitié, l’engagement, l’intégrité, sans jamais paraître moralisateur mais au contraire en suggérant toutes ces idées sur fond de loufoquerie… Un livre à la fois léger et profond, donc, divertissant et marquant, à offrir aux ados de notre entourage en négociant avec eux une clause d’emprunt !

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20 janvier 2011 4 20 /01 /janvier /2011 16:46

lejeudicestcitation

 

 

 

...Pour faire écho à mon billet précédent, voici une citation extraite de La Caverne des Idées de Somoza :

 

"Lire n'est pas réfléchir seul [...] : lire c'est dialoguer ! Mais le dialogue de la lecture est un dialogue platonique : ton interlocuteur est une idée."

 

 

 

 

 


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19 janvier 2011 3 19 /01 /janvier /2011 14:27

         

LaCaverneDesIdees.jpg

 

 

 

 

  Un éphèbe est retrouvé mort dans les rues d'Athènes. Son ancien mentor à l'Académie sollicite les services d'un fin limier : Héraclès Pontor, le déchiffreur d'énigmes. Le philosophe platonicien et cet Hercule Poirot à l'antique s'emploient avec passion à trouver la Vérité et, accessoirement, le coupable. Car la joute philosophique se superpose à l'investigation policière, tandis que les crimes s'enchaînent. 

           L'histoire de ces crimes est aussi l'histoire d'un manuscrit qu'un traducteur retranscrit sous nos yeux, l'annotant inlassablement en pensant l'éclairer, ignorant que son destin de personnage est d'établir la revanche de la littérature sur la philosophie, de démontrer que seule la fiction contient toutes les vérités du monde.

 

          …Je crois qu’il s’agit là d’un des mes plus grands coups de cœur de lectrice ! La Caverne des idées est un livre incroyablement malin et original, jubilatoire du début à la fin, et qui ne ressemble à aucun autre (quoiqu’on pourrait le rapprocher, en prenant des pincettes, de certaines nouvelles de Borges, ou de la Maison des Feuilles de Danielewski)...Autant vous le dire tout de suite : il me semble impossible de le résumer d'une manière satisfaisante, mais voici quelques éléments qui, j'espère, vous encourageront à faire la seule chose qu'il y a à faire face à une telle merveille : lire ce livre !!

 

          La Caverne des Idées est d’abord un réjouissant thriller à la sauce grecque antique : un duo à la Laurel et Hardy, composé de l’obèse et ultra-rationnel Héraclès Prontor, dont le métier est Déchiffreur d’Enigmes (avec les majuscules s’il vous plaît !) et de celui qui l’emploie, Diagoras, professeur de la victime à l’Académie de Platon,. Le duo enquête sur l’atroce meurtre d’un jeune homme, bientôt suivi d’autres crimes révélant l’existence de… certaines pratiques assez inattendues, mais dont je ne dirai évidemment rien de plus. Rien que cela vaudrait le détour, car l’intrigue est bien ficelée, intéressante, et, surtout, les personnages d’Héraclès et Diagoras incarnent deux branches très différentes de la pensée grecque, que l’auteur fait dialoguer d’une manière habile, à la fois comique et instructive : leur manière d’enquêter correspond toujours à leur manière de penser.

 

            Mais là où le livre devient franchement génial, c’est dans sa construction.

            En effet, le texte est continuellement annoté par son traducteur, fictif, dont on apprend qu’il cherche à perfectionner une première version exécutée par un autre traducteur du nom de Montalo. Ce traducteur décèle dans le texte, à la suite de ce fameux Montalo, un procédé (totalement inventé pour l’occasion d’ailleurs) appelé « eidésis », et consistant à dissimuler dans chaque chapitre une image dominante : le lecteur doit la détecter, rassembler les images cachées dans chaque chapitre pour accéder à une second niveau de lecture du texte, à une sorte de sens secret et occulte… Soit dit en passant, le mot « eidésis » est bien sûr formé sur « eidos », qui correspond en grec à l’Idée platonicienne : la Théorie des Idées de Platon sert en effet de fil rouge au livre, dont le titre est directement inspiré de l’Allégorie de la Caverne que présente Platon dans la République… Mais je reviens à mes « eidésis » : chaque chapitre va être réellement dominé par une image sans aucun rapport avec l’intrigue, et dont le traducteur fictif va nous aider à saisir le sens. Cela donne au lecteur la délicieuse impression de chercher un trésor caché parmi les pages du livre, et cela donne lieu également à des images singulières : des juments dévorant tranquillement de la chair humaine dans le jardin de l’Académie de Platon, par exemple…

         Autre élément génial, l’intrigue liée au crime et l’intrigue liée au traducteur vont petit à petit se rejoindre, d’une manière extrêmement troublante et brillante, pour en arriver à une réflexion magistrale sur la littérature…que le lecteur vit non pas comme une leçon mais comme une expérience de pensée inédite, directement liée d’ailleurs à la chasse aux « eidésis »…

 

       Je ne peux guère en dire plus sans en dévoiler trop – et j’espère que cette présentation est à peu près claire, c’est un livre très difficile à résumer à cause de sa construction labyrinthique et de l’expérience de lecture vraiment singulière qu’il propose -, mais, en un mot, il s’agit pour moi d’un livre unique, exceptionnel, à côté duquel il ne faut pas passer ! Et je pèse mes mots...

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16 janvier 2011 7 16 /01 /janvier /2011 15:36

          carmilla.jpg

 

 

 

 

          Dans un château de la lointaine Styrie, au début du XIXe siècle, vit une jeune fille solitaire et maladive.
          Lorsque surgit d'un attelage accidenté près du vieux pont gothique la silhouette ravissante de Carmilla, une vie nouvelle commence pour l'héroïne. Une étrange maladie se répand dans la région, tandis qu'une inquiétante torpeur s'empare de celle qui bientôt ne peut plus résister à la séduction de Carmilla... Un amour ineffable grandit entre les deux créatures, la prédatrice et sa proie, associées à tout jamais "par la plus bizarre maladie qui eût affligé un être humain". Métaphore implacable de l'amour interdit, Carmilla envoûte jusqu'à la dernière ligne... jusqu'à la dernière goutte de sang !


        En ces temps de bit-lit, où l’on croise – avec plaisir ! - des vampires à tous les coins de pages, pourquoi ne pas aller faire la connaissance de l’une de leurs ancêtres, la « charmante » Carmilla, héroïne d’un roman de  l’écrivain irlandais Joseph Sheridan Le Fanu, publié en 1871, soit vingt-six ans avant Dracula de Bram Stoker ?


         L’histoire nous en est racontée par son héroïne "humaine," la jeune Laura, qui coule des jours paisibles mais monotones dans la riche propriété de son père. Un soir, une diligence passe près du domaine, ses chevaux s’emballent et la voiture est accidentée…en sortent, sous les yeux de Laura et son père, deux femmes d’une beauté fascinante, Carmilla et sa mère. Carmilla, une jeune fille de l’âge de Laura, est blessée et doit rester au château : une amitié fusionnelle va alors s’installer entre les deux adolescentes. Oui, mais pendant ce temps, des jeunes filles meurent mystérieusement dans les environs : elles s’affaiblissent peu à peu et finissent par rendre leur dernier soupir dans un délire fiévreux… L’amitié des deux jeunes filles grandit, une amitié particulière : le désir de l’une pour l’autre est à peine dissimulé derrière quelques périphrases, leurs esprits s’enflamment, et c’est d’ailleurs un régal que de voir la prose si sage de Laura s’érotiser discrètement et malgré elle… Mais Laura commence à perdre elle aussi ses forces, elle fait des cauchemars terrifiants dans lesquels elle reconnaît en Carmilla une femme d’une beauté extraordinaire qui hantait ses nuits de petite fille, jusqu’à ce que l’on finisse par découvrir dans son cou deux petites morsures…


          Dans l’un des premiers romans vampiriques, tout est déjà là : le désir interdit, la lente déréliction d’un être innocent qui vit avec délices son avancée vers la mort, mais aussi un sublime univers gothique, fait de landes désolées, de chapelles en ruines, de vastes demeures silencieuses, et de femmes fascinantes et meurtrières. Ajoutons à cela que le lecteur contemporain, qui a déjà rencontré un certain nombre de vampires dans ses lectures, sait très bien ce qui attend Laura… : s’il n’éprouvera pas la surprise des lecteurs de l’époque qui ne connaissaient pas les vampires, il aura en revanche le plaisir pervers de voir se révéler peu à peu la nature réelle de l’emprise de Carmilla sur Laura… Un vrai délice sanguinolent, donc, servi par une écriture somptueuse, que les edwardolâtres ne manqueront pas d'apprécier !

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15 janvier 2011 6 15 /01 /janvier /2011 18:04

Plus exactement une heure, mais il s'agit toujours d'une expérience de lecture intéressante et sans effort... : je vous conseille vivement l'émission "ça peut pas faire de mal", qui propose des lectures d'extraits d'oeuvres souvent très bien choisies et un panorama intéressant de l'actualité littéraire.

 

Voici le lien pour réécouter l'émission d'aujourd'hui, consacrée à Philip Roth, un des mes auteurs contemporains préférés... :

 

http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/ca-peut-pas-faire-de-mal/

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14 janvier 2011 5 14 /01 /janvier /2011 16:44

       Il y a des livres impossibles à résumer, des livres fragmentaires, mais délicieux... C'est le cas des Contes glacés de Jacques Sternberg, un ensemble de courts textes dont certains sont de géniaux concentrés d'absurde. Comme j'aimerais vous faire découvrir ce genre d'oeuvres qui échappent au format de la chronique, j'en posterai régulièrement des extraits, dans la catégorie "Une minute de lecture".

 

 

Premier extrait : Contes glacés, Sternberg

 

 

contesglaces.gif


 

Le tapis

 

   " L'enfant avait placé une vaste caisse au milieu de la chambre et, depuis quelques heures déjà, il naviguait ainsi, brassant le vide, dégageant l'horizon enfui dans le mur, le tapis figurant l'océan, la caisse un voilier de fort tonnage.

 

    Vers six heures, comme chaque soir à cette heure, le père rentra du travail.

 

   Il pénétra dans le salon, il eut le temps de désapprouver l'idée de son fils, il atteignit à cet instant le tapis, coula à pic et se noya."

 

 

 

 

 

 


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