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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 09:24


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Blog o Book a récemment proposé en partenariat avec les éditions JBz et Cie la lecture de la biographie d’un des pionniers de l’hypnose et de l’hypnothérapie en France, Hippolyte Bernheim, par une de ses descendantes, Cathy Bernheim. J’ai donc eu le plaisir de recevoir ce livre – merci à BoB et à l’éditeur – qui me tentait particulièrement : toute littéraire que je suis, j’ai un faible pour l’histoire des sciences, et celle de la médecine en particulier.


Hippolyte Bernheim est un des plus grands neurologues français de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

Ses travaux ont été essentiels dans le domaine de la psychothérapie et de l’hypnose. Pour lui, l’hypnose est susceptible de faciliter certaines applications thérapeutiques. Opposé aux thèses de Charcot, les hypothèses de Bernheim ont eu une grande influence en Europe, particulièrement en Allemagne, mais aussi aux États-Unis. Au début du XXe siècle, il est considéré comme le plus grand psychothérapeute d’Europe.

Cette biographie, rédigée par son arrière petite-nièce, rend hommage à un chercheur qui a beaucoup influencé Sigmund Freud et qui, après sa mort en 1940, a été injustement oublié, mais dont les thèses sont depuis une dizaine d’années remises au goût du jour par les neurologues contemporains (mentalisme), notamment dans le domaine des addictions.

 

Cathy Bernheim nous raconte donc la vie de son ancêtre, en prenant toujours soin de resituer les événements dans leur contexte : c’est l’un des (nombreux !) points positifs de ce livre, qui est un vrai ouvrage de vulgarisation et qui manifeste donc constamment le souci de permettre au lecteur de mesurer les enjeux de ce qu’il lit. On aborde ainsi de nombreux aspects du foisonnement politique et culturel du XIXè siècle, au prisme de la vie de ce génial médecin nancéien : on croise des peintres impressionnistes, on suit l’évolution des hôpitaux, des soins, et de la conception de la maladie et des malades, on est renseigné sur le système éducatif de l’époque… L’auteure se montre généreuse en anecdotes et explications en tous genres, et c’est très agréable ! (J’ai particulièrement aimé l’histoire de la femme qui plaide le « charme hypnotique » de son amant quand ce dernier a assassiné son mari et qu’elle a été accusée de complicité…)


La biographie en elle-même est très fouillée, on suit Bernheim pas à pas dans ses années de formation, sa carrière de médecin (d’abord spécialisé dans les maladies du cœur) et son passage progressif à l’hypnose et aux sciences de l’esprit. Ses rencontres avec les grandes figures du monde médical de l’époque sont présentées : on croise ainsi Charcot, avec lequel Bernheim entrera en désaccord au sujet de l’analyse de l’hystérie, mais aussi un autre pionnier de l’hypnothérapie, Thiébault. C’est donc une riche et passionnante galerie de portraits qui nous est offerte en plus du récit de la vie d’Hippolyte Bernheim. Agréable et instructif !


…Et d’ailleurs je tiens à m’excuser auprès de Cathy Bernheim de m’être méfiée d’un éventuel caractère trop familial, trop sentimental de cette biographie… il n’est est rien, c’est un livre passionnant, bien documenté, bien écrit, et qui permet de réhabiliter une figure importante et méconnue de l’histoire de la médecine !

 

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13 avril 2011 3 13 /04 /avril /2011 13:41

 

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J’avais parlé il y a quelque temps du livre Médecin des morts de Philippe Charlier, médecin-légiste expert en examen et décryptage de squelettes et restes humains en tous genres, qui, dans ce livre, partageait son expérience de paléopathologiste. J’ai poursuivi cette passionnante lecture avec un autre des ses ouvrages, plus pointu et spécialisé : Male mort, Morts violentes dans l’Antiquité.

Le sujet de ce livre ne pouvait que m’intéresser, puisque j’ai eu l’occasion de travailler au cours de mes études sur la question du suicide et des châtiments violents dans l’Antiquité grecque et romaine…mais ce livre peut intéresser bien des curieux, même s’il demande peut-être une certaine familiarité avec ces civilisations.


C’est clairement un ouvrage scientifique, moins vulgarisé que Médecin des morts, mais qui a la très bonne idée de combiner plusieurs approches différentes – littéraires, historiques, et bien sûr paléopathologiques. L’auteur cite de larges extraits, souvent truculents ou émouvants, d’auteurs anciens, fait la part belle à l’épigraphie funéraire. Il organise son propos grâce à une typologie des morts violentes – homicides, suicides, peines capitales, sacrifices religieux, catastrophes naturelles, maladies, accidents, morts d’enfants, et enfin « mort après la mort », ou conjuration des âmes des revenants – prenant toujours soin d’éclairer le sens et les enjeux des différentes pratiques.


On apprend, du coup, énormément de choses -  par exemple, comment les Vestales étaient emmurées vivantes, comment les Grecs se prémunissaient du retour des âmes des morts, quelles furent les conséquences du grand incendie de Rome, ce que fut en réalité (même si on cherche encore…) la « Peste d’Athènes » -, bref, on aborde sous l’angle du concret quelques unes des images les plus marquantes de l’Antiquité. Le versant plus scientifique du livre permet de se renseigner un peu sur les pratiques de l’archéologie, sur les questions qu’elle se pose, sur ses méthodes, tout cela avec de nombreuses photographies, dont certaines sont étonnamment "vivantes" et bouleversantes, par exemple celle-ci, qui nous montre les squelettes d'un couple et un enfant enlacés, morts durant un séisme à Kourion : 

 

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Même si c’est un ouvrage assez spécialisé que seuls les mordus  lpeut-être liront en entier, Male mort peut donc se laisser parcourir et picorer pour avoir une vision originale et très concrète – donc très émouvante – du monde antique.  On sent en plus à chaque page le goût de Philippe Charlier pour les auteurs anciens : les antiquisants apprécieront. Enfin, on y découvre que les Grecs avaient le goût de l’humour, et en particulier de l’humour noir…Charlier nous rapporte certaines « blagues » prises dans le Philogelos, un recueil de plaisanteries antiques !


Un petit exemple – humour très grinçant, vous êtes prévenus, à vrai dire je trouve ça franchement horrible mais c'est tellement inattendu, ces blagues à l'antique – tiré du chapitre sur les morts d’enfants :

C’est un intellectuel qui est professeur de sport. On lui dit un jour qu’un élève est malade, le lendemain qu’il a de la fièvre, et le jour suivant il apprend de son père qu’il est mort. « C’est ça, s’écrie-t-il, vous trouvez toujours de bonnes excuses pour empêcher vos enfants de s’instruire ! »

 

Et pour finir d'une manière moins glaçante, une épitaphe d'enfant que j'ai trouvée sublime :

 

 Voyageur qui t'en vas marchant d'un pas pressé, arrête, je t'en prie, au milieu du bosquet, sans dédaigner ces vers qui s'offrent à tes yeux.

            J'ai vécu douze années, chez les hommes, et deux jours. J'ai connu et appris Pythagore et les Sages et, dans les livres, lu les vers sacrés d'Homère. Sur mon boulier, j'ai appris tous les calculs d'Euclide. je me suis fait plaisir et j'ai beaucoup joué, turbulent que j'étais...

            Maintenant je m'en vais vers l'infernal séjour, vers le fleuve Achéron, sous les noires clartés des astres du Tartare. J'ai quitté de la vie les promesses superbes. Adieu, Espoir, Beauté, allez tromper quelqu'un d'autre ! Je n'ai plus désormais rien à voir avec vous. Ici, c'est l'éternel séjour. Et c'est là que je suis, que je serai toujours !

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25 mars 2011 5 25 /03 /mars /2011 13:24

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Qui n'a pas rêvé un jour d'être le médecin de Louis XIV ? D'autopsier Agnès Sorel ? De sonder les corps momifiés des Médicis ? Discipline scientifique aux confins de l'anthropologie physique et de la médecine légale, la paléopathologie permet de reconstituer un à un les carnets de santé de sujets décédés il y a plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires. Un corps mort est porteur d'une quantité impressionnante d'informations utiles à l'historien, à l'archéologue, mais aussi à la recherche médicale lorsqu'il s'agit de découvrir l'origine d'une maladie. Ce livre nous invite à un voyage dans le temps, mais aussi à un voyage dans la mort, la maladie, dans l'ouverture des cadavres, dans cette observation de nous-mêmes que sont les autopsies. On y croisera l'empoisonnement d'Agnès Sorel et le supplice de Jeanne d'Arc, on assistera à l'exploration d'une relique médiévale, on comprendra comment le cœur du Roi-Soleil s'est retrouvé dans une peinture à l'huile, on verra comment les individus anormaux étaient éliminés en Grèce et à Rome, on dressera un tableau des pratiques magiques centrées sur les cadavres, on analysera selon un regard médical certaines descriptions de vampire, on décortiquera les rapports d'autopsie des rois de France. Sans oublier Richelieu, Descartes et de nombreux saints... Enfin, le lecteur trouvera un inventaire des lieux et des personnages dont l'existence a été éclairée par des études paléopathologiques ; il pourra alors réaliser un jeu de piste, non pas macabre mais instructif, découvrant que sous nos pieds ou à côté de nous dorment des trésors (squelettes ou momies). Paradoxalement, l'étude des cadavres rend les ruines et les populations du passé plus vivantes. C'est bien le but de cet ouvrage.


Le diffusion sur Arte il y a peu du documentaire sur les aventures rocambolesque de la tête supposée d’Henri IV et les recherches visant à son authentification (voyez ici par exemple : http://documentaires.france5.fr/documentaires/le-mystere-de-la-tete-dhenri-iv) m’a permis de faire connaissance avec le passionnant Philippe Charlier, dont le métier consiste à autopsier momies et squelettes pour les faire parler. Ce jeune chercheur a publié plusieurs livres, dont l’un est consacré aux divers restes humains qu’il a été amené à analyser au cours de ses recherches : Médecin des morts.


Cet ouvrage se présente comme une série d’études, ou plus précisément de récits – c’est le sous-titre du livre – consacrés à des sujets aussi variés que les tribulations et les analyses des restes d’Agnès Sorel ou les maladies dont on souffrait dans l’Antiquité. A chaque fois, on part de l’examen de pièces anatomiques anciennes, parfois antiques. Cela peut sembler morbide, mais c’est absolument passionnant : en observant avec Philippe Charlier tous ces restes pourtant peu appétissants, on profite d’une approche de l’histoire très originale et particulièrement …vivante, puisque les restes corporels nous instruisent avant tout sur la vie quotidienne, intime, des gens auxquels ils ont appartenu. Ainsi, on apprend que l’on peut lire sur un squelette d’il y a deux mille ans quel était le métier de son propriétaire : un fileur, à genoux toute la journée, aura d’importantes lésions d’arthrose à cet endroit, intactes des siècles après… Ou encore, on voit d’un autre œil des personnages mythiques de l’histoire – ainsi, Agnès Sorel, sex symbol du XVè siècle, était infestée de vers intestinaux, comme du reste tout le monde ou presque à son époque…


Une lecture singulière, donc, étonnamment revigorante, stimulante pour l’esprit – il est toujours agréable de lire un scientifique qui vulgarise ses démarches et pas seulement ses conclusions – et très amusante par les multiples informations incongrues qu’elle délivre !

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