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2 novembre 2012 5 02 /11 /novembre /2012 09:25

 

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Pour reprendre les hostilités après une longue absence, je tape dans du beau, du sublime, du Littéraire avec un L de dix-huit mètres de haut, dans de l’Art, quoi. Ouais.


Et absurdité totale, je commence malgré tout par le résumé, mais là, il est de la main de Flaubert lui-même  :


L’Histoire d’Un coeur simple est tout bonnement le récit d’une vie obscure, celle d’une pauvre fille de campagne, dévote mais mystique, dévouée sans exaltation et tendre comme du pain frais. Elle aime successivement un homme, les enfants de sa maîtresse, un neveu, un vieillard qu’elle soigne, puis son perroquet ; quand le perroquet est mort, elle le fait empailler et, en mourant à son tour, elle confond le perroquet avec le Saint-Esprit. Cela n’est nullement ironique comme vous le supposez, mais au contraire très sérieux et très triste.


J’aime ce résumé comme j’aime ce livre : Flaubert y dresse une liste des épisodes du roman, mais là n’est pas l’essentiel…Relisez ce résumé, à haute voix, sentez le rythme, l’équilibre des sons, le flux de l’écriture…et si cela vous fait quelque chose, jetez-vous sur Un Cœur simple ! Flaubert en effet en parle, c’est célèbre, comme d’un « livre sur rien » et « qui se tiendrait par la seule force de son style ». C’était son projet, et c’est magistral : la beauté de l’écriture elle-même suffit à captiver, et on se prend finalement à s’attacher, à s’émouvoir du sort de la pauvre Félicité – la pauvre fille de campagne, qui devient servante, dont on nous raconte l’histoire -, à la trouver sublime, par la seule magie du style. L’écriture parvient à transformer un personnage à première vue plutôt inintéressant en Figure sublime, en objet d’art. La scène de sa mort est, pour cela, absolument superbe, elle m’évoque toujours un vitrail visuel et sonore, alors que son sujet n’est finalement « que » le délire d’une mourante qui s’offre un dernier trip avec son perroquet…


La chose est bien difficile à exposer sans tomber dans le commentaire composé, mais cette lecture est une expérience en soi, et aussi une porte ouverte vers la littérature proprement artistique, celle qui crée les souvenirs éternels.

 

Parce que oui, Hugo et Flaubert sont vachement plus balèzes que Marc Lévy, et qu’eux méritent, contrairement à beaucoup d’autres, le nom d’artistes et une place dans la mémoire collective.  

 

Cela n'empêche d'ailleurs pas la lectrice de ce blog de se délecter de nombre de page-turners et autres thrillers jubilatoires mais vite oubliés...la question est simplement de savoir ce que l'on mange et de digérer en conséquence... non ?

 

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31 mars 2011 4 31 /03 /mars /2011 12:12

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Vers la fin du XIXe siècle, un conférencier socialiste s’endort. Divagant, promenant son esprit jusque dans la belle campagne anglaise du XIVe siècle, il rencontre quelques paysans, un ancien soldat, un prêtre rebelle. Ces hommes sont prêts à se battre ; mais, cette fois, ce ne sera pas pour leurs seigneurs, mais contre eux. John Ball, le curé qui sert de guide à ces rebelles, résume la pensée de tous en quelques mots : « Quand Adam bêchait et qu’Eve filait, où était alors le gentilhomme ? ». À leur manière, chacun de ces deux hommes se retrouve perdu dans un monde qui ne lui correspond pas. La discussion entre ces deux révoltés, portés par le même amour des hommes, se prolongera toute la nuit.


Le livre s’ouvre sur une présentation du personnage de John Ball, ecclésiastique révolutionnaire de la fin du XIVème siècle anglais, qui paya ses désirs de liberté et de justice sociale en finissant écartelé, et qui n’a laissé aucun écrit. Un rêve de John Ball, œuvre du XIXè siècle, met en fait en scène une rencontre onirique d’un socialiste de ce XIXè siècle avec ce personnage de John Ball – ce dernier étant devenu alors un héros de la révolte sociale. Comme dans L’âme humaine et le socialisme de Wilde, chez le même éditeur, la présentation est claire, bien écrite, et donne des clés de lecture efficaces sans trop en dévoiler…une excellente mise en appétit !


Vient ensuite l’œuvre proprement dite, dont le principe m’a beaucoup séduite : là où Novalis rêve d’une fleur bleue et de paysages mélancoliques quand il s’endort, le socialiste de William Morris, lui, dialogue avec un idéaliste du passé dans un cadre bucolique…cela m’a fait penser à Socrate qui se balade les pieds dans l’eau au début du Phèdre de Platon, puis propose d’aller discuter de la création et de l’amour à l’ombre d’un grand arbre : j’adore quand les idées éclosent dans de beaux cadres ! Et j’aime aussi l’idée que rappelle Joël Chandelier dans sa présentation et qui constitue le moteur du livre : « celle qu’il existe une continuité dans l’histoire, une communauté entre les hommes des temps passés, présents et futurs, permettant une comparaison entre les époques et l’inscription de la lutte politique dans un mouvement d’ensemble. »

 


Notre socialiste rêve donc qu’il se réveille en plein XIVème siècle, et ne le comprend qu’en croisant un chevalier. Les descriptions qui sont faites de ce monde ancien sont sublimes, idéalisées, et l’œil circule vraiment comme dans un rêve, avec une grande douceur, partagé entre un étonnement fugace et une observation perçante des choses.


Il va, on s’y attendait, tomber sur une réunion de révolutionnaires qui veulent entrer en résistance contre les collecteurs d’impôts, et il rencontrera, en suivant ces hommes, John Ball, le prêtre révolté, dont l’ »apparition » et la harangue qu’il tient face au peuple constituent d’ailleurs des pages magnifiques – même si le lien qu’il fait entre la justesse de la révolte contre les riches et la justesse de la foi sonne un peu creux, en tout cas à mes oreilles… La bande prendra les armes, et John Ball et notre rêveur auront alors une longue conversation sur les sacrifices à faire à la lutte pour la liberté ; John Ball interrogera enfin le narrateur sur les temps à venir, dont il vient, au cours d’une longue conversation douce-amère qui donne à Morris l’occasion de développer ses thèses socialistes.

Cette longue rêverie politique est un enchantement par sa forme, par son écriture limpide, et est porteuse de nombreuses idées fortes, même si certaines paraissent un peu éculées – le lien de la lutte pour la justice et de la religion, notamment.


Un Rêve de John Ball est donc une très, très belle découverte, un livre curieux, qui pourrait en  agacer certains par son idéalisme, mais qu’il ne faut pas hésiter à lire et partager en ces temps troubles !

 

Merci infiniment, donc, à Livraddict pour le partenariat, et aux Editions Aux Forges de Vulcain pour leur généreux envoi, puisque l'éditeur a eu la très grande gentillesse de m'offrir, en plus de Un Rêve de John Ball, Larrons de François Esperet et L'Amitié d'Emerson, que je chroniquerai très bientôt ! 

 

 

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8 février 2011 2 08 /02 /février /2011 16:30

 

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Dan Yack commence comme une parabole et s'achève comme un lamento : Le Plan de l'Aiguille et Les Confessions de Dan Yack furent d'abord publiés séparément avant d'être réunis par Blaise Cendrars. Ce livre de dissonances vire sans cesse du burlesque au tragique, de la violence au rire, du drame à la pantomime. Quant à Dan Yack, ce milliardaire anglais au nom bizarre, il échappe à la saisie. D'abord présenté à la manière de Charlot, il ressurgit sous les traits d'un héros en proie au mal du siècle. Dans le tourbillon des aventures qui l'emportent à travers le monde, une question pourtant ne le quitte pas : est-il possible de changer sa vie ? Et à quel prix ? Dan Yack reste le plus secret des grands romans de Blaise Cendrars, celui qui touche au plus brûlant, au plus intime.


Une merveille littéraire, que je dois à Blog-o-Book et aux éditions Folio, que je remercie !


Dan Yack correspond en fait à l’assemblage de deux œuvres à l’origine publiées séparément, Le Plan de l’Aiguille et Les Confessions de Dan Yack. Dans la première partie, Le Plan de l’Aiguille, donc, on suit ce personnage dans ses déambulations désordonnées : dans un bar de Saint-Pétersbourg – il vient y noyer son chagrin après que sa bien-aimée l’a quitté pour un prince -  il rencontre ses futurs compagnons de voyage pour une expédition improvisée vers le Pôle Sud : il leur promet de créer sur une île déserte une colonie de quatre personnes seulement. Puis, ses compagnons étant tous morts ou devenus fous, il finira par fonder une ville exclusivement masculine. Une intrigue de roman d’aventures loufoque, donc, suivi d’une introspection tout aussi loufoque dans Les Confessions de Dan Yack : cette fois, notre aventurier se trouve non loin du Plan de l’Aiguille (oui, les titres sont à l’avenant de l’ensemble de l’œuvre, dans le désordre), vers Chamonix et tient le journal de ses pensées et aventures…


 Cela suffirait bien sûr à faire un livre extraordinaire, mais l’immense force de ce livre est surtout dans son style.

…Dès la première ligne, en effet, on est saisi par la langue, poétique, vive, de Cendrars,  avec le sentiment fantastique de n’avoir jamais rien lu d’aussi évocateur, d’aussi désordonné aussi, mais dans le meilleur sens du terme : j’ai eu souvent la sensation assez curieuse que mon cerveau était à la fois déstabilisé et porté à lire plus loin ; la langue de Cendrars, pourtant si singulière, agit comme une drogue dont on veut toujours plus… Dan Yack est finalement un gigantesque poème en prose, que l’on peut lire à la manière d’un roman, mais aussi rouvrir de temps en temps au hasard pour se laisser happer par la force des images et le rythme de la langue.

Un petit exemple – quoiqu’il faudrait citer tout le livre pour lui rendre justice ! - :


« Les tringles dorées qui maintenaient le tapis rouge lui poignardaient le cerveau, douloureuses comme des dards, et chaque marche se dérobait sous son pas comme un tremplin qui s’écroule. »


C’est une œuvre sublime, qui permettra de découvrir l’immense écrivain et poète qu’est Cendrars, et dont je me sens finalement bien incapable de rendre compte…  mais ce dont je suis certaine, c’est que c’est de l’immense littérature !

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16 janvier 2011 7 16 /01 /janvier /2011 15:36

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          Dans un château de la lointaine Styrie, au début du XIXe siècle, vit une jeune fille solitaire et maladive.
          Lorsque surgit d'un attelage accidenté près du vieux pont gothique la silhouette ravissante de Carmilla, une vie nouvelle commence pour l'héroïne. Une étrange maladie se répand dans la région, tandis qu'une inquiétante torpeur s'empare de celle qui bientôt ne peut plus résister à la séduction de Carmilla... Un amour ineffable grandit entre les deux créatures, la prédatrice et sa proie, associées à tout jamais "par la plus bizarre maladie qui eût affligé un être humain". Métaphore implacable de l'amour interdit, Carmilla envoûte jusqu'à la dernière ligne... jusqu'à la dernière goutte de sang !


        En ces temps de bit-lit, où l’on croise – avec plaisir ! - des vampires à tous les coins de pages, pourquoi ne pas aller faire la connaissance de l’une de leurs ancêtres, la « charmante » Carmilla, héroïne d’un roman de  l’écrivain irlandais Joseph Sheridan Le Fanu, publié en 1871, soit vingt-six ans avant Dracula de Bram Stoker ?


         L’histoire nous en est racontée par son héroïne "humaine," la jeune Laura, qui coule des jours paisibles mais monotones dans la riche propriété de son père. Un soir, une diligence passe près du domaine, ses chevaux s’emballent et la voiture est accidentée…en sortent, sous les yeux de Laura et son père, deux femmes d’une beauté fascinante, Carmilla et sa mère. Carmilla, une jeune fille de l’âge de Laura, est blessée et doit rester au château : une amitié fusionnelle va alors s’installer entre les deux adolescentes. Oui, mais pendant ce temps, des jeunes filles meurent mystérieusement dans les environs : elles s’affaiblissent peu à peu et finissent par rendre leur dernier soupir dans un délire fiévreux… L’amitié des deux jeunes filles grandit, une amitié particulière : le désir de l’une pour l’autre est à peine dissimulé derrière quelques périphrases, leurs esprits s’enflamment, et c’est d’ailleurs un régal que de voir la prose si sage de Laura s’érotiser discrètement et malgré elle… Mais Laura commence à perdre elle aussi ses forces, elle fait des cauchemars terrifiants dans lesquels elle reconnaît en Carmilla une femme d’une beauté extraordinaire qui hantait ses nuits de petite fille, jusqu’à ce que l’on finisse par découvrir dans son cou deux petites morsures…


          Dans l’un des premiers romans vampiriques, tout est déjà là : le désir interdit, la lente déréliction d’un être innocent qui vit avec délices son avancée vers la mort, mais aussi un sublime univers gothique, fait de landes désolées, de chapelles en ruines, de vastes demeures silencieuses, et de femmes fascinantes et meurtrières. Ajoutons à cela que le lecteur contemporain, qui a déjà rencontré un certain nombre de vampires dans ses lectures, sait très bien ce qui attend Laura… : s’il n’éprouvera pas la surprise des lecteurs de l’époque qui ne connaissaient pas les vampires, il aura en revanche le plaisir pervers de voir se révéler peu à peu la nature réelle de l’emprise de Carmilla sur Laura… Un vrai délice sanguinolent, donc, servi par une écriture somptueuse, que les edwardolâtres ne manqueront pas d'apprécier !

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